Nous appelons démocratie contributive une modalité de la démocratie participative : la participation des citoyens se concrétise dans la participation active à la réalisation de projets. C’est un enrichissement de la démocratie participative, qui elle se limite assez souvent à donner son avis, formuler une requête, voter pour un projet, etc., et laisser faire par d’autres, techniciens, experts ou élus.
Les temps de la démocratie contributive impliquent davantage les citoyens, depuis l’origine d’un projet jusqu’à sa réalisation.
Trois critiques sont souvent formulées à son encontre : les citoyens peuvent avoir une opinion, plus ou moins bien fondée, mais ils n’ont pas la compétence pour aller plus loin dans le processus de conduite d’un projet, et le temps pris pour les impliquer, sensibilisation, formation, pratique des réunions où l’on échange et où l’on s’écoute, serait un détour productif trop coûteux alors que le calendrier des élus est toujours très contraint, et enfin, la conduite de la politique publique risquerait d’être déléguée aux citoyens, les élus se trouvant dépossédés en quelque sorte de leur mandat.
Réinventer la démocratie. Les citoyens n’auraient pas la compétence ?
Un cordonnier pourrait difficilement travailler sur un projet autoroutier, un boulanger serait-il s’impliquer dans des questions de santé, un musicien aurait bien du mal à contribuer à un aménagement de complexe sportif…
Oui, et pourtant de nombreux exemples existent qui font la démonstration de leurs apports essentiels. Le plus emblématique, le plus connu, est celui de la convention citoyenne pour le climat. Sur un sujet aussi complexe, des séances de discussion, avec des phases de sensibilisation et de formation, avec l’apport d’experts, ont permis de déboucher sur des propositions qui ont été saluées comme pertinentes.
Comment cela est-il donc possible ? Outre le temps de préparation qui peut être conséquent, en fait la contribution citoyenne est possible, utile et souvent originale, parce que les dimensions que l’on manie ne relèvent pas d’un métier d’ingénieur, nécessaire pour spécifier le projet et plus tard pour le réaliser, mais d’une bonne appréciation des enjeux sur des critères relativement faciles à maîtriser pour des citoyen(ne)s , la justice, l’équité, l’accès égal pour tous, l’amélioration des conditions de vie, etc.
Réinventer la démocratie. La démocratie contributive, un détour productif trop coûteux ?
Ici, pourrait-on dire la question contient sa réponse : En effet, un détour productif vise à mieux préparer un investissement, et par définition, il est utile. La question serait de savoir si on risquerait de plomber le projet contraint dans un calendrier politique de temps court. La réponse est assez simple : ce sont les élus qui sont maîtres du temps, et ce sont eux qui fixent les calendriers, pour obéir à leurs contraintes.
Plus précisément, en quoi ce détour peut-il donc être utile ? Habituellement, les élus fixent une ligne politique, les traduisent en projets, que les techniciens réalisent, schéma qui semble simple et efficace. Malheureusement, cela ne fonctionne pas dans de nombreux cas. Pourquoi ? La raison est bien connue : si l’équipe d’une collectivité a été élue sur des orientations, le passage à l’acte doit prendre en compte les besoins des citoyens, ce qui ne naît pas par magie de l’esprit de quelques-uns. Le surcoût de la décision politique peut-être dans ce cas catastrophique, entre au moins le risque d’un projet inadapté, au pire qui ne répond absolument pas aux besoins, projet à reprendre, à abandonner… En tout cas qui ne pourra pas être utilisé comme argument pour une prochaine élection. Dans un monde d’incertitude, le recours aux contributions citoyenne est un moyen d’en réduire les risques.
Réinventer la démocratie. Les élus seraient dépossédés de leur mandat ?
Si ce sont les citoyens qui participent à l’émergence d’une idée, s’ils contribuent à sa réalisation, les élus ne risquent-ils pas d’être débordés par leurs besoins et leurs initiatives ? Ainsi formulé, cette crainte peut paraître antinomique avec la finalité même d’un élu, qui dispose d’une délégation, par le vote, des souhaits des citoyens. Leur implication, plutôt qu’un problème, peut être vue comme une manière efficace de mettre en œuvre cette délégation. C’est aussi une crainte qui , dans les faits, n’est pas fondée. En effet , si les citoyens travaillent avec les élus, les experts… ceci se fait dans le cadre des orientations politiques de l’équipe élue de la collectivité. Chaque projet doit s’inscrire dans le cadre de ces orientations. Enfin ajoutons qu’en démocratie contributive, ce sont in fine les élus qui décident. Une vraie crainte par contre pourrait venir du risque d’engorgement des services administratifs et techniques de la collectivité, peu habitués à travailler avec les citoyens, sur des sujets nouveaux, et avec un volume qui dépasserait leurs disponibilités. Cette crainte est tout à fait réelle. Mais elle n’est pas de nature à remettre en cause la démocratie contributive. Il s’agit, pourrait-on dire, d’une question de régulation et de management.